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Diabète, cancer, santé mentale : 3 patientes expertes témoignent

logo de Femme Actuelle Femme Actuelle 23.06.2023 12:53:49 Anne Ulpat
Diabète, cancer, santé mentale : 3 patientes expertes témoignent

Elle s'appellent patientes expertes, pairs-aidantes, patientes partenaires.Malades ou ex-patientes, elles ont souhaité se mettre au service des personnes atteintes de la même pathologie qu'elles pour les aider à mieux vivre cette épreuve. Être malade ne se résume pas à un état de faiblesse. C'est aussi l'occasion d'acquérir, au fil de la prise en charge, une véritable expertise dans de nombreux domaines : astuces pour atténuer les effets secondaires des traitements ou pour engager de bonnes relations avec le corps soignant, connaissance des associations, des aides sociales. Aujourd'hui, ces compétences sont reconnues et légitimées grâce à des formations diplômantes - une spécificité française - dispensées par des facultés de médecine. Salariées, bénévoles ou auto-entrepreneuses, les patientes-expertes, seulement quelques centaines pour l'instant, interviennent dans des services hospitaliers ou des associations de patients. Elles sont particulièrement présentes dans les pathologies chroniques : cancer, diabète, santé mentale et maladies respiratoires.

Après avoir été hospitalisée plusieurs fois entre 16 et 30 ans en psychiatrie, j'ai eu envie de m'investir dans un travail social en lien avec mon expérience. Embauchée par le Centre hospitalier du Vinatier, à Lyon, comme pair-aidante en santé mentale, j'ai ensuite suivi la licence sciences sanitaires et sociales, option "médiatrice de santé pair" dispensée par la faculté de Bobigny. En santé mentale, les patients s'auto-stigmatisent souvent en ayant une vision très dévalorisante de leur pathologie. Ils n'osent pas parler de leurs troubles par honte et peur des conséquences sur leur vie sociale. Je partage mon expérience et surtout écoute la leur. Ils sentent que j'accepte ce qu'ils me racontent. C'est important car il est très angoissant de rester seul avec cela. Je passe plus de temps à les écouter qu'à parler. Je les invite à défendre leurs droits et à faire entendre leurs ressentis afin d'être pris en compte comme une personne. En tant que médiatrice, j'échange aussi beaucoup avec mes collègues soignants. Certains ont tendance à enfermer le patient dans sa maladie, comme s'il n'y avait aucun espoir de rétablissement ou s'il se résumait à sa seule pathologie. Or, il est possible de mener une vie satisfaisante. J'ai moi-même fait des études et fondé une famille. Je pense qu'en tant que médiatrice de santé paire, je participe au changement de regard sur les troubles psychiques.

À 37 ans, j'ai appris que j'avais un cancer du sein génétique. Après les traitements, j'ai passé le diplôme de patiente partenaire à la Sorbonne et j'interviens aujourd'hui comme bénévole au sein de l'association Généticancer. Les femmes demandent souvent des renseignements sur les opérations, que ce soient les ablations ou les reconstructions. Etant passée par là, je sais qu'il ne faut pas se lancer trop tôt après les rayons car la peau est brûlée, et ne pas s'attendre à retrouver exactement la même poitrine qu'avant. Mieux vaut prendre le temps de réfléchir aux différentes techniques proposées. Autant d'informations que les médecins ne donnent pas ! J'aide aussi les patientes à s'y retrouver dans les démarches administratives, en tant que bénévole à l'association La Niaque. Par exemple, on a droit à une aide-ménagère quand on est en chimiothérapie à condition de faire la demande dans les cinq jours suivant l'opération, sinon c'est trop tard. Personne ne le sait ! En tant qu'ancienne responsable des ressources humaines, j'accompagne aussi les patientes pour leur retour à l'emploi. Parfois, certaines veulent reprendre trop tôt et risquent de souffrir d'une dépression. Là encore, on le sait peu, mais les traitements de chimiothérapie ont des répercussions sur la mémoire. J'oriente les personnes vers des ateliers comme onCOGITE et d'une manière générale vers les soins de support, art-thérapie, massage. au sujet desquels les services hospitaliers ne communiquent pas assez. »

Quand j'ai appris ma maladie, je me souviens très bien du jour où je suis arrivée à l'antenne d'Aix-en-Provence de l'Association Française des Diabétiques, complètement paniquée à l'idée de devoir me faire des piqûres quotidiennes d'insuline. Marie, la présidente de l'association, m'a tout de suite calmée en me disant qu'elle allait tout m'expliquer. Depuis, j'assiste aux réunions mensuelles qu'elle organise en tant que patiente-experte, où nous sommes une douzaine. Je n'ai quasiment jamais raté un rendez-vous ! Ces rencontres sont précieuses, je me sens écoutée et comprise. Il m'arrive de faire des erreurs au niveau de l'alimentation, en mangeant du sucre alors que je n'aurais pas dû. Marie n'est jamais négative ou culpabilisante. Elle conseille de rééquilibrer avec des astuces pratiques. Elle nous apprend aussi à préparer les consultations chez le médecin, en dressant une liste de questions pour être sûre de ne rien oublier. Au fil des ans, je me sens soutenue et cette relation s'est même transformée en amitié. Et surtout, je ne suis plus seule avec ma maladie.

Vous connaissez bien votre maladie, vous avez envie de partager votre expérience, vous êtes à l'aise dans la relation mais aussi dans l'expression écrite et orale ? Vous pouvez vous tourner vers une faculté qui propose une formation (200 heures environ) de patientes-expertes :

Pourquoi suivre une formation pour devenir patiente-experte ?

Le fait de connaître la maladie de l'intérieur est très important mais ne suffit pas. La formation propose des cours sur l'organisation du système de santé français, qui est complexe, et sur la façon d'organiser et d'animer un atelier d'éducation thérapeutique. Elle permet aussi de faire un travail sur soi. Il ne faut pas faire de son vécu personnel une généralité et surtout, il convient d'avoir une relation apaisée avec sa pathologie et avec les institutions de santé. Une personne en colère, dans le déni ou en détresse, ne pourra pas écouter. Le cursus nous forme à l'écoute active développée par le psychologue américain Carl Rogers.

Quelle est sa spécificité ?

Il faut être capable de parler de sa propre expérience, de donner les 1001 astuces que l'on connait mais aussi d'écouter la personne malade. Plutôt que de lui proposer une solution toute faite, mieux vaut lui demander ce qu'elle en pense, comment elle aimerait procéder. Nous devons être attentifs au moindre signe qui nous indique que le patient se prend en main. Les malades ont d'immenses ressources en eux que la plupart ne soupçonnent pas. À nous de les accompagner en respectant leur rythme, sans imposer le nôtre.

Merci à Christiane Pochulu, vice-présidente de l'Association Santé Respiratoire France et de l'Alliance contre le tabac et diplômée de la faculté de médecine de Marseille, en tant que patiente-experte.

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vendredi 23 juin 2023 15:53:49 Categories: Femme Actuelle

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