Le risque était donc sérieux. Ce vendredi 23 juin, le tribunal administratif de Paris a décidé d'annuler l'agrément d'Anticor, qui lui permet de se substituer à un parquet parfois «peu proactif» en matière politico-financière. Et avec en plus un effet rétroactif au 2 avril 2021, date du dernier renouvellement triennal accordé à l'ONG. «Cette annulation constitue une atteinte grave à la démocratie, ainsi qu'aux libertés associatives», a-t-elle réagi sur Twitter. Anticor va bien évidemment faire appel, mais comme les délais judiciaires sont longs, l'association anti-corruption avait anticipé la décision du TA en préparant d'ores et déjà une nouvelle demande d'agrément auprès de Matignon - la Chancellerie étant de facto dessaisie pour cause de plainte d'Anticor contre Eric Dupond-Moretti.
La rétroactivité du retrait d'agrément pourrait poser problème sur les 169 procédures pénales actuellement diligentées par Anticor, du moins celles engagées depuis deux ans. A l'audience, la rapporteure du tribunal administratif s'était montrée optimiste à ce sujet, soulignant qu'un réquisitoire introductif du parquet permettrait de sauvegarder les procédures en cours, nonobstant la perte de pouvoir ester en justice du plaignant. Sauf que le parquet ne s'est pas toujours prononcé sur toutes les plaintes déposées par Anticor, dont certaines pourraient ainsi tomber à l'eau. L'association organisera une conférence de presse cette après-midi.
Comme Transparency international ou Sherpa, c'est l'une des trois ONG habilitées à porter plainte au nom de l'intérêt général en matière de délinquance financière et de lutte contre la corruption.
Habituellement, les tribunaux n'ont pas à se mêler de cet agrément triennal, qui relève d'une décision administrative prise par le ministère de la Justice - ou par Matignon : lors de son dernier renouvellement en avril 2021, le garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti avait dû se déporter car Anticor avait préalablement porté plainte contre lui devant la Cour de justice de la République. Dans le cas présent, c'est sur recours d'un opposant interne que la justice est saisie : Claude Bigel, ancien vérificateur des comptes de l'association, exclu en septembre 2020.
Plus d'informations à suivre.