Face aux Israéliens, aux Américains et aux Turcs, la France a-t-elle perdu la guerre des drones? Pas encore. Sur le salon aéronautique du Bourget, les appareils militaires sans pilotes se taillent une large place aux côté des chasseurs, des cargo, des appareils de surveillance et des ravitailleurs.
On peut les voir en nombre au hall 3 où se trouvaient les entreprises américaines et israélienne qui présentaient toutes une panoplie allant du drone kamikaze désormais appelé "munition téléopérée" (MTO), à ceux de renseignement ou tactiques pour mener des attaques. Sur le tarmac, Turkish Aerospace a installé trois modèles de son catalogue qui en compte déjà une dizaines de versions.
L'américain General Atomics, fabricant du Reaper, utilisé par plusieurs armées européennes dont la France, règne en leader de ces appareils conçus pour la reconnaissance et l'attaque. En 30 ans, elle en a vendu plus de 1100 exemplaires des différentes générations. Sur le salon, il présentait son nouveau modèle, le MQ-9B dont les premiers exemplaires sont en cours de livraison au Royaume-Uni.
Pour la France, les dés ne sont pas jetés pour autant. Dassault se tient prêt avec son nEUron, le drone de combat qui accompagnera le Rafale F5. Avec 3 ans de retard, L'Eurodrone d'Airbus, présenté à l'état de maquette sur le stand du constructeur européen, a reçu en février une notification pour un contrat de 7,1 milliards de dollars. Le premier vol de ce drone MALE est prévu en 2026 et les livraisons en 2028. Il y avait aussi le Patroller de Safran. Ce drone tactique -qui a obtenu sa certification en février dernier- équipera l'armée française dès cet été. Le groupe a aussi annoncé son premier contrat export avec la Grèce pour quatre appareils.
Autre annonce, KNDS, Eos et Traak qui ont été sélectionnés par l'Agence d'innovation de la défense pour développer une MTO de 80 kilomètres de portée susceptible de concurrencer l'américain Switchblade, dont l'armée française projette l'acquisition de quelques 80 exemplaires.
Mais la surprise est venue de Turgis & Gaillard, une ETI pas encore connue du public. Elle a dévoilé le prototype de l'Aarok, un drone multi-mission (reconnaissance et combat) qui démarrera les premiers tests en vole fin 2023. Il a été développé sur fonds propres pour "plus de dix millions d'euros" et assemblé dans un hangar à Blois. Cet aéronef se pose alternative au Reaper, a expliqué à BFM Business Fanny Turgis, cofondatrice de Turgis & Gaillard.
Sa force? Il s'inscrit totalement dans la doctrine d'économie de guerre. Il est facile à produire avec des éléments provenant de dispositifs déjà produits sur d'autres modèles. Par exemple sa cabine de pilotage est celle du Patroller. Selon Patrick Gaillard, directeur général, il coûtera "moins cher" que le Reaper (un MQ-9A coûte 15 à 20 millions d'euros) et sera une arme de souveraineté puisqu'il ne comporte aucune pièce américaine pour en faciliter l'export.
Si l'Aarok a été conçu très discrètement, il est observé de près par la DGA (direction générale de l'armement) qui devra le moment venu accompagner l'ETI dans son programme. D'ailleurs, le stand de Turgis & Gaillard qui se trouve juste en face de celui du ministère des Armées, ne doit rien au hasard.