L'activiste est présente lors du sommet ChangeNow qui vise à réunir les solutions les plus innovantes et les acteurs engagés dans la lutte climatique, à Paris, du 25 au 27 mai.
"Ce n'est pas quelque chose de théorique, c'est réel. Le changement climatique se produit au quotidien." Adenike Titilope Oladosu est nigériane. Cette écoféministe, qui milite contre le réchauffement climatique et a fondé l'initiative ILeadClimate, tente d'alerter la communauté internationale sur les conséquences du phénomène dans son pays. "J'ai vu, j'ai vécu la réalité de la crise climatique", déplore-t-elle auprès de franceinfo, décrivant les inondations, les sécheresses et les retombées de ces événements extrêmes, renforcés par le réchauffement des températures dû aux activités humaines, sur les populations.
Du 25 au 27 mai, elle participe au sommet ChangeNow à Paris, pour continuer à "faire entendre sa voix". Franceinfo l'a interrogée à cette occasion.
Franceinfo : Vous vous battez pour montrer à la communauté internationale les réalités du changement climatique et leurs impacts sur différentes communautés. Pourquoi est-ce important ?
Adenike Titilope Oladosu : C'est important d'attirer l'attention, de raconter que le changement climatique est une réalité. Qu'il se déroule maintenant dans ma communauté, par exemple. L'an dernier, les inondations ont affecté 32 Etats sur 36 au Nigeria. C'était le pire épisode jamais enregistré dans le pays. Cela a forcé des millions de personnes à se déplacer et on a perdu plusieurs centaines de milliers d'hectares de terres cultivées. Cela a créé de l'insécurité alimentaire, de la faim, de la pauvreté. Des enjeux de santé aussi : on trouve des corps dans l'eau. Une eau que les gens vont boire ensuite, parce qu'ils n'ont pas d'autre choix.
Il y a aussi les sécheresses qui poussent les bergers à se déplacer à la recherche de pâturages plus verts, et qui créent des conflits d'usage de l'eau avec les agriculteurs. Les femmes sont particulièrement touchées par ces phénomènes. Elles doivent par exemple parcourir de grandes distances pour trouver de l'eau. Et ce n'est même pas de l'eau propre. On ne fait pas face à une seule crise, mais à de multiples crises en même temps.
Les leaders mondiaux ne se préoccupent-ils pas assez de ces conséquences concrètes dans votre pays ?
Il ne s'agit pas seulement de parler des impacts du changement climatique, mais plutôt de fournir le soutien nécessaire aux personnes vulnérables. Que font les autorités, les décideurs à ce sujet ? A titre d'exemple, le lac Tchad rétrécit depuis les années 1960. Des actions auraient pu être menées pour le sauver. Qu'est-ce qui a été fait ? Quels financements ont été affectés à la restauration du lac ?
Les sommes versées pour aider les populations affectées par l'assèchement du lac Tchad sont infimes. Les fonds pour faire face à la crise climatique en Afrique ne sont même pas suffisants pour ses conséquences au Nigeria, alors pour tout un continent.
Davantage d'efforts doivent être faits, en particulier dans le monde occidental. Parce que cette crise ne va pas affecter que l'Afrique, mais tout le monde, quelles que soient nos origines. La crise climatique ne connaît aucune frontière. Si elle ne vous affecte pas par ses conséquences directes, elle vous affectera au travers des réfugiés climatiques, car des populations importantes vont être forcées de changer de pays à la recherche de terres plus vertes.
Les actions menées actuellement sont donc largement insuffisantes ?
Les décideurs discutent de "sortir des énergies fossiles d'ici à 2040, 2050 ou 2060". Mais c'est léguer le fardeau à la prochaine génération, qui n'a pas causé tout ceci. Je leur demande : que se passe-t-il plutôt pendant les quatre ou cinq années pendant lesquelles vous êtes président ? Quelles actions climatiques êtes-vous prêts à mettre en place ? Retarder l'action, c'est augmenter la vulnérabilité. Sortir des énergies fossiles en 2050, cela signifie que le Nigeria va continuer à faire les frais d'un manque d'accès à l'eau potable, de pertes de moyens de subsistance, et de toute une série de crises qui s'aggraveront dans notre région. Retarder l'action, cela veut dire peut-être perdre le lac Tchad.
Cela me pousse à agir, à vouloir faire entendre ma voix. Selon Martin Luther King, "nos vies commencent à finir le jour où nous devenons silencieux à propos des choses qui comptent". Alors je le dis : nous avons besoin d'actions.
Par où commencer ?
Les leaders mondiaux doivent arrêter de faire des promesses pour 2040, 2050 ou 2080. Ils doivent commencer à mettre en ouvre ce que leur gouvernement peut faire pendant leur mandat. Quel pourcentage de la consommation de charbon allez-vous supprimer ? Comment allez-vous faire la transition à votre échelle temporelle ? Quelles fondations pouvez-vous poser pour que le gouvernement suivant reprenne au même endroit ? Ils ne cessent de négocier. Depuis la première COP [en 1995]. Combien de temps cela va-t-il durer ? Allons-nous négocier toute notre vie ? Maintenant, il faut appliquer ce qui a été décidé.