Le prix Nobel d'économie 2022 et spécialiste des paniques bancaires Douglas Diamond a plaidé vendredi pour une réduction, voire une suppression des dividendes versés au sein des banques afin de dégager des marges de manouvre pour garantir la solidité du système financier.
"On dit: 'il ne faut pas gaspiller une crise' et c'est probablement le bon moment pour penser à augmenter les fonds propres" des banques, a affirmé l'économiste américain devant des journalistes au cours du Forum annuel du gestionnaire d'actifs Amundi, qui se tient à Paris au Carrousel du Louvre.
Après une prise de parole de vingt minutes devant l'auditorium central, le professeur de l'influente école de Chicago s'est voulu rassurant sur la situation financière actuelle.
"Je ne pense pas qu'il y aura une autre crise financière cette année. Les vulnérabilités ont été bien gérées", a-t-il affirmé.
Mais la crise a ouvert une fenêtre d'opportunité pour pousser les solutions promues par ce spécialiste des "bank run", le retrait brutal et massif des dépôts des épargnants d'une banque, au point qu'elle ne puisse plus y répondre, tombant ainsi en faillite.
En mars 2023, trois banques américaines, dont la Silicone Valley Bank, parmi les quinze plus importantes des États-Unis, ont mis la clé sous la porte presque simultanément, causant un vent de panique sur les marchés financiers, mais aussi parmi les décideurs politiques.
En premier lieu, Douglas Diamond déplore le versement de dividendes. "C'est probablement le bon moment pour penser à augmenter les fonds propres des banques. Maintenir les dividendes bas, ou les réduire, est une bonne mesure de stabilité à long terme car elles auraient moins besoin de lever des capitaux".
L'appel à des nouveaux capitaux est toujours dangereux pour une banque car "les investisseurs se disent qu'elle doit être en crise", argumente-t-il.
"L'avantage si les régulateurs demandent de réduire les dividendes est que, même si les investisseurs peuvent se dire que tout le système a des problèmes, au moins ce n'est pas une banque en particulier. Même si c'est un peu injuste, au moins on rassemble tout le monde"
Pour lui, "seules les banques très très capitalisées" devraient avoir la possibilité de redistribuer de l'argent à leurs actionnaires.
L'économiste plaide aussi pour que les bonus versés le soient sous forme de titres financiers de l'entreprise et récupérables seulement après plusieurs années, afin que les salariés ne soient pas portés à prendre trop de risque dans leurs investissements.
Le prix Nobel 2022, reçu avec Philip Dybvig coauteur de leur modèle économique sur les paniques bancaires et l'ancien président de la Banque centrale américaine Ben Bernanke, est en revanche assez avenant envers les réseaux sociaux, parfois pointés du doigt pour avoir accéléré le mouvement de fuite des épargnants.
"Si tout est allé vite sur la Silicone Valley Bank, ce n'est pas parce que les personnes étaient connectées, mais plutôt car la banque était à court d'argent", estime-t-il.
Au contraire, "ces réseaux sociaux peuvent être utilisés pour arrêter les rumeurs, les peurs injustifiées. Les réseaux sociaux peuvent apporter de la stabilité en combattant les fausses informations. Mais quand la rumeur est vraie, et que la banque est en effet insolvable, ces types de réseaux sociaux ne peuvent pas aider."
L'économiste est critique sur le rôle des banques centrales dans le début de la crise, notamment le défaut dans la supervision des établissements bancaires dans un contexte de forte remontée des taux, potentiellement dangereux pour le système financier.
"Les responsables des banques centrales aiment dire que la stabilité des prix et la stabilité financière sont deux choses différentes et doivent être traitées séparément. C'est une grosse erreur, car elles sont connectées".
"S'engager sur des taux d'intérêt bas pour longtemps pousse les banques à aller vers des dettes à court terme, et donc monter les taux par surprise pose des problèmes" explique-t-il.