Lorsqu'elles firent leur retour en Amérique du Nord en 2014, après vingt ans d'absence, les Alfa Romeo étaient précédées d'une piètre réputation de qualité. Aujourd'hui encore, la berline Alfa Guilia, le grand SUV Stelvio et son petit frère Tonale souffrent de préjugés peu flatteurs, qui brident leur diffusion.
L'image du constructeur italien pourrait vite changer, grâce au phénomène du bouche-à-oreille. Car si les instructeurs de cabinet de consultants J.D. Power sont dans le vrai, des milliers de clients américains peuvent dorénavant faire part de leur satisfaction à leurs amis et collègues. La dernière livraison de l'étude annuelle "J.D. Power Initial Quality Study" (IQS) consacre en effet Alfa Romeo "meilleure marque premium" pour la première fois de sa longue histoire (37ème édition). Une surprise pour tous ceux dont l'opinion s'était arrêtée à l'Alfa 164 mal fagotée, importée au compte-gouttes jusqu'en 1994.
La consécration surprise d'Alfa Romeo intervient au moment où le niveau de qualité moyen des voitures neuves ne cesse de se dégrader. La moyenne pour tout le marché américain atteint le "nombre record de 192 défauts pour 100 voitures, soit 12 de plus qu'en 2022 et 18 de plus qu'en 2021", constate le cabinet américain qui interroge les acheteurs de véhicules neufs pour relever combien de pannes les affectent au cours des trois premiers mois de leur vie. Cette année, pas moins de 93.380 véhicules étaient suivis entre février et mai, un nombre qui conforte l'étude IQS au rang d'indice de référence du degré de satisfaction de la clientèle. "L'industrie auto est confrontée à une variété de problèmes de qualité jamais vue depuis que cette étude IQS existe", souligne le responsable des études automobiles chez J.D. Power, Frank Hanley.
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Des esprits perfides feront remarquer que c'est l'âge canonique des Alfa Romeo qui les immunise contre les ennuis de santé. Ce qui constitue d'ordinaire un handicap sévère face à des rivales toutes plus modernes pourrait finir par être l'arme secrète pour imposer la marque italienne sur le marché américain.
La berline Giulia est sortie en 2015, deux ans avant le SUV Stelvio. Le SUV compact Tonale est beaucoup plus récent (2022), mais sa diffusion aux États-Unis démarre tout juste et n'a pas eu d'effet sensible sur l'étude J.D. Power. L'avenir dira si sa plateforme bien rodée lui épargnera les soucis de jeunesse.
Pour le groupe Stellantis auquel appartient Alfa Romeo, la satisfaction est triple, puisque trois de ses marques caracolent en tête du classement J.D. Power IQS cette année. Les américains Dodge et Ram devancent en effet Alfa Romeo, avec des moyennes de respectivement 140, 141 et 143 défauts pour cent véhicules. Porsche est la seconde marque premium la mieux classée en 2023, avec une moyenne de 167 défauts pour cent véhicules, devant le japonais Lexus (171 défauts) et l'italien Maserati.
© Fournis par ChallengesJ.D. Power Initial Quality Study : 37ème édition (2023) de l\'étude annuelle du nombre de défauts pour 100 véhicules neufs, tels que rapportés par les clients après trois mois d\'utilisation. Crédit : Image © J.D. PowerJ.D. Power Initial Quality Study : 37ème édition (2023) de l'étude annuelle du nombre de défauts pour 100 véhicules neufs, tel que rapporté par les clients après trois mois d'utilisation. (Image © J.D. Power)
La marque au Trident (membre de Stellantis, elle aussi) signe une remontée étonnante, avec une moyenne de 182 défauts pour cent véhicules et la meilleure amélioration sur un an (baisse de 73 défauts). Alfa Romeo et Ram complètent ce podium avec des réductions de respectivement 68 et 45 défauts pour cent véhicules.
Une des particularités de l'étude IQS de J.D. Power est de mettre sur un pied d'égalité des défauts qui relèvent du simple désagrément (tels qu'un porte-gobelet inaccessible ou bien un chargeur de téléphone qui surchauffe) et des pannes plus sérieuses, qui affectent la conduite du véhicule. "Les constructeurs sont confrontés à des défauts persistants, auxquels s'ajoutent de nouveaux types de pannes, du fait de la complexité croissante des systèmes embarqués", résume Frank Hanley en soulignant que la satisfaction n'est pas toujours de mise, chez le client.
En particulier, l'étude IQS constate qu'une part croissante des défauts rapportés sont causés par les aides électroniques à la conduite. Les fausses alertes sont légion, tant en provenance des systèmes anti collision et de freinage d'urgence (5 défauts pour cent véhicules), que des aides au maintien dans la voie (7,2 défauts). Même un système aussi simple et connu que le capteur de présence dans l'angle mort ne parvient pas à se faire oublier.
La déception est vive, aussi, à propos du chargeur de téléphone par induction. Trop souvent inopérant ou mal disposé, cet équipement en voie de généralisation génère des frustrations "qu'il serait facile de corriger si les constructeurs s'en donnaient la peine", observe Frank Hanley. "Il y a là un potentiel très élevé de satisfaction client, que les constructeurs n'exploitent pas", regrette-t-il.
Une source d'agacement inattendue est la poignée de porte, dorénavant escamotée et motorisée. La Tesla Model S a lancé une vogue qui vire au ridicule : c'est au constructeur qui imaginera le mécanisme le plus spectaculaire et le plus complexe. L'ergonomie et la fiabilité en souffrent, au point de faire de cet instrument autrefois basique une source de frustrations nouvelles. Parmi les dix modèles les plus touchés, sept sont des voitures 100 % électriques : elles sont les plus acharnées à vouloir réinventer la poignée au prétexte d'améliorer le profilage aérodynamique des carrosseries.
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Il n'est pas anodin de remarquer que Tesla fait machine arrière et renonce à motoriser ses poignées escamotables. Cette simplification ne suffit pas, néanmoins, à compenser l'ampleur des nombreuses petites défaillances qui maintiennent la marque américaine à l'avant-dernière place du classement (257 défauts, en baisse de 30 défauts sur un an), juste derrière le suédois Polestar (313 défauts, en hausse de 15 défauts). La hiérarchie était la même, l'an dernier, mais J.D. Power rappelle que les données à propos de ces deux marques sont parcellaires : Tesla et Polestar refusent d'accorder aux enquêteurs l'autorisation de solliciter leurs clients dans les États qui l'exigent.