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Les plans de Léo Apotheker pour "sauver le soldat Atos"

logo de Challenges Challenges 23.06.2023 13:54:48 Gilles Fontaine
Léo Apotheker

Il n'avait plus fait parler de lui depuis près de douze ans. Revoici Léo Apotheker, 69 ans, postulant pour jouer les premiers rôles dans l'un des feuilletons les plus épiques du business français. Mais ceci n'est pas un come-back, précise-t-il en préambule de la conversation. Parlons plutôt de mission.

L'homme s'est porté volontaire, "par obligation morale et parce qu'il y a péril en la demeure", pour prendre la présidence du conseil d'administration d'Atos. En grande difficulté, l'entreprise de service numérique (ESN), qui affiche de lourdes pertes, tient son assemblée générale le 28 juin prochain, et le vétéran de l'industrie informatique, ancien patron de l'allemand SAP et de l'américain Hewlett-Packard (HP), est devenu la dernière carte de plusieurs fonds d'investissement qui réclament un changement radical dans la gouvernance du groupe.

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Ces derniers mois, plusieurs personnes sont venues le voir à Londres, où il réside depuis une douzaine d'années. Toutes avaient le même message: "Il faut sauver le soldat Atos", raconte-t-il. Parmi elles, il y a Cyril Charlot, associé-fondateur du fonds d'investissement Sycomore, qui réclame depuis plusieurs mois le départ de l'actuel président du conseil d'administration, Bertrand Meunier.

Ce dernier siège depuis 2008 au conseil, et en a pris la présidence en 2019. Pour Léo Apotheker, c'est lui, le responsable des déboires d'Atos: "Il était là depuis toujours et il n'assume pas." L'homme d'affaires franco-allemand "ne souscrit pas à la thèse selon laquelle l'ancien patron, Thierry Breton, serait responsable de tout." En urgence, il est déterminé à stopper le plan de scission d'Atos, poussé par Bertrand Meunier.

Celui-ci prévoit la vente du métier de conseil, regroupé dans Tech Foundation, pour laquelle Daniel Kretinsky s'est porté candidat. Et la mise en Bourse d'Evidian, qui rassemble les activités très rentables et en forte croissance de cybersécurité, cloud et big data. "L'horizon de temps pour réaliser ces opérations était de douze à dix-huit mois, rappelle Léo Apotheker. Nous arrivons au bout de l'échéance et le grand plan n'a pas été exécuté." Il réclame un peu de temps et propose de vérifier si ce découpage est pérenne pour l'entreprise et créateur de valeur pour les actionnaires. "Le diable est dans les détails et dans la synchronisation de ces opérations", souffle-t-il.

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L'ancien patron d'HP connaît bien ce genre de situation. Le plan de scission qu'il avait concocté pour le géant informatique - les services d'un côté, les matériels de l'autre -avait déclenché l'ire de certains actionnaires puissants et provoqué son départ brutal, en septembre 2011. Son plan sera finalement appliqué par sa successeure Meg Whitman.

Dans le cas d'Atos, il pense que le découpage pourrait être fait "de manière plus précise". Le plan de Bertrand Meunier prévoit de placer dans Evidian tout ce qui a de la valeur, mais "pour être un acteur réel dans les supercalculateurs et être crédible sur le quantique, il faut des sommes d'argent colossales, tout en continuant à investir dans la cybersécurité, argumente-t-il. Comment allouer intelligemment du capital entre ces activités très consommatrices de cash?"

Et l'homme d'affaires se met à réfléchir tout haut: "L'avantage des activités de services, c'est qu'elles ne consomment pas beaucoup de capitaux. Il y aurait donc une logique à les garder ensemble." D'autant que plus de la moitié des clients d'Evidian auraient besoin des métiers de Tech Foundation. "Mais s'est-on seulement posé la question de savoir ce que voulaient les clients?" interroge-t-il.

Modifier le plan, changer de président. Léo Apotheker voudrait également chambouler le conseil d'administration. "On est en Corée du Nord, tout le monde obéit sagement, et je suis poli, lance l'homme d'affaires. Je voudrais apporter plus de savoir et de compétence à ce conseil qu'il faut internationaliser et rendre plus tech."

A aucun moment il ne met en cause les dirigeants du groupe. Mais il voudrait un conseil qui soit "un atout" pour l'entreprise et se mette au service de ces derniers. "Il n'y a jamais eu une telle demande des entreprises pour se digitaliser, juge-t-il, et Atos est idéalement positionné pour faire cette transformation, mais il ne performe pas et décline." Raison de ce gâchis: "Il n'y a pas les bonnes personnes autour de la table, ce n'est pas le travail du conseil de se substituer au management opérationnel."

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Son modèle, c'est Schneider Electric, dont il est administrateur indépendant depuis une quinzaine d'années. Avec le président Jean-Pascal Tricoire, qui vient de quitter ses fonctions, "j'ai travaillé pour construire ce conseil considéré comme le Best in class, selon les experts", assure-t-il. C'est le premier atout qu'il met en avant pour convaincre les actionnaires de voter pour lui. "Il y a aussi mon charme naturel", plaisante-t-il.

Plus sérieusement, Léo Apotheker décline son parcours, celui d'un capitaine d'industrie amoureux de la technologie qui se bat "pour une filière tech européenne vivante." A titre personnel, depuis son départ d'HP, il conseille une dizaine d'entreprises de logiciels. "Je connais beaucoup de monde, dans beaucoup de pays, parmi les actionnaires, clients ou partenaires d'Atos", se vante le manager polyglotte, qui maîtrise six langues. Le 28 juin, il sera à Bangalore, en Inde, pour accompagner l'une de ses pépites. Au plus près de l'action.

vendredi 23 juin 2023 16:54:48 Categories: Challenges

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