Alors, quel master pour les étudiants en licence ? Le suspense prend fin ce vendredi 23 juin avec l'ouverture de la phase d'admission pour la nouvelle plateforme «Mon master», qui fonctionne grosso modo comme le fameux Parcoursup pour l'accès aux études supérieures. Les étudiants ont fait des voux. Les responsables de master classent les candidatures. A partir de ce vendredi, les étudiants connaissent leur place sur chaque file d'attente et le grand jeu des refus et acceptations commence. Non sans angoisse, ces dernières années ayant vu naître le mouvement #EtudiantsSansMaster. Soit des revendications de titulaires d'une licence qui ne se voient pas proposer de places pour poursuivre leurs études.
«Mon master» va-t-il répondre à ce problème ? Selon le ministère, on compterait cette année environ 185 000 places ouvertes (comme l'an dernier) pour 209 000 candidats ayant émis au moins un vou. «Il faut enlever à ce total environ 10 000 personnes qui se sont inscrites alors qu'ils sont en L2, et ceux qui n'obtiendront pas leur licence», pointe le cabinet de la ministre. Selon leur calcul, le nombre de candidats tournera plutôt autour de 173 000. Moins que le nombre de places ouvertes, donc. L'espoir est qu'en proposant un point d'accès unique pour s'inscrire, les étudiants se répartissent mieux dans l'ensemble des formations proposées.
Pas gagné, selon les organisations étudiantes. Loup Bensoam a ouvert l'an dernier le site «Vitemonmaster». Etudiant en master à Sciences-Po, il s'en sert pour illustrer la baisse du nombre de places ouvertes, y compris dans les filières dites en tension (psychologie, staps, droit, etc.). «Dans certaines filières, la capacité d'accueil est théorique car elles ne font pas le plein quand d'autres sont trop sollicitées et ne peuvent pas accueillir tous les candidats. Nous demandons donc l'ouverture de places d'urgence. Il est très compliqué d'allouer des places dans un système globalement à flux tendu, comme on a actuellement», nous dit-il. Il s'est rapproché du syndicat l'Union étudiante (issu d'une récente scission de l'Unef) pour publier l'évolution récente du nombre d'étudiants en troisième année de licence, par rapport au nombre d'étudiants en M1. Le graphique (ci-dessous) parle de lui-même.
«Le nombre de place en M1 diminue depuis 2016, quand la sélection, qui se faisait avant entre le M1 et le M2, a été fixée à l'entrée en M1 [la sélection en M2 ayant été jugée illégale par le Conseil d'Etat en 2016, ndlr]. Les directeurs de formation ont donc reporté la sélection à l'entrée en M1 pour éviter que les effectifs des M2 n'explosent», explique Julien Gossa, maître de conférences à l'université de Strasbourg et fin suiveur de l'actualité des universités.
Le nombre de places en master a atteint un plafond de verre par manque d'investissement massif dans les universités. «Entre 2006 et 2015, les effectifs ont doublé, il peut y avoir un effet de saturation», affirme Philippe Lemistre, sociologue de l'éducation au Centre d'études et de recherches sur les qualifications. «Les places en masters dépendent directement du nombre d'enseignants-chercheurs. Les établissements font ce qu'ils peuvent avec les moyens qu'on leur donne», rappelle Christophe Bonnet, secrétaire national au Sgen-CFDT.
Faute de place pour tous, les étudiants vont donc devoir se connecter tous les jours pour voir comment évolue leur place sur les listes d'attente. En effet, ils auront vingt-quatre heures pour répondre à une proposition d'admission. «Cela questionne sur l'autocensure des individus dans ce genre de système. On sait que l'origine sociale peut peser sur des décisions prises avec une échéance très courte», commente Philippe Lemistre.
Et les profs dans tout ça ? Pour le moment, ils apprennent à se saisir d'un outil pas toujours adapté. «Il faut plusieurs clics pour télécharger un CV», soupire Julien Gossa. Certains masters ont plusieurs centaines de candidatures. La plateforme ayant facilité pour les étudiants les candidatures à plusieurs masters, les établissements les mieux cotés ont pu voir gonfler leur nombre. «Il faut relativiser cet effet. Les candidats ont fait, en moyenne, huit voux sur quinze possibles. Il n'y a pas d'explosion du nombre de candidatures à l'échelle nationale», tempère le ministère.
Là encore, le ressenti depuis la rue Descartes diffère de celui des acteurs de terrain. «Il y a un mois, il ne fallait rien demander aux responsables de master, la récupération des dossiers à la main a été une charge très lourde. C'est une période tendue. Tout ce qui touche à l'admission des étudiants à l'université est considéré comme du travail gratuit. Il n'y a pas ou peu de personnels dédiés. C'est très mal valorisé dans les tâches des enseignants-chercheurs. On tire sur les personnels en place pour que ce soit fait, mais cela contribue à l'usure professionnelle des collègues», juge Christophe Bonnet. Au niveau master aussi, la hausse de la démographie étudiante sans hausse du budget met à mal les universités.