Tout à leur soulagement de voir en octobre le fou furieux Jair Bolsonaro évincé de la tête du Brésil par ce vieux briscard de Lula, les Occidentaux avaient oublié que l'ex-métallo devenu par trois fois chef d'Etat n'était pas forcément aligné sur leur ligne très atlantiste. Figure historique du Parti des travailleurs, Lula éprouve une méfiance viscérale à l'égard des Etats-Unis - comme bon nombre de Sud-américains qui ont longtemps souffert du pouvoir de l'oncle Sam - et n'entend pas se ranger à leurs côtés le petit doigt sur la couture du pantalon. D'où son refus de prendre fait et cause pour l'Ukraine dans sa bataille contre l'envahisseur russe, ce qui peut apparaître choquant de ce côté-ci de l'Atlantique et donner l'impression qu'il se range du côté des pro-Poutine. En réalité, Lula reste fidèle à sa foi dans le multilatéralisme comme seul vecteur de paix, d'où son hyperactivité diplomatique - une trentaine de dirigeants rencontrés en moins de six mois - et son rejet des sanctions unilatérales qu'il voit comme «la raison du plus fort», ainsi que l'explique un expert dans Libération.
Le président brésilien entend redonner toute sa place sur la scène internationale à un pays abîmé par le règne de Bolsonaro, un militaire inculte, raciste et complotiste, qui avait fait revenir le Brésil des décennies, voire des siècles en arrière. Pourra-t-il longtemps tenir cette ligne très neutre ? Dans un monde clivé, et alors que la guerre menée par les Russes en Ukraine risque de devenir de plus en plus sale, ce sera difficile. Et ce n'est pas le moindre des défis qu'il doit affronter. Sur la scène intérieure, sa marge de manouvre reste très faible, le Congrès étant majoritairement à droite ou du moins acquis aux charmes - et surtout au lobbying intense - de l'agrobusiness, très anti-environnemental. Il a donc beau vouloir éviter de prendre parti, Lula va avoir besoin des appuis occidentaux, et notamment celui de la France qui partage une frontière avec le Brésil via la Guyane.