Les uns y voient la preuve que la réforme était « indispensable », les autres qu'elle a été faite « à l'aveugle ». Le Conseil d'orientation des retraites (COR) a présenté son nouveau rapport ce jeudi 22 juin, essuyant au passage les critiques d'un exécutif qui l'accuse de changer ses évaluations « tous les six mois ».
Chaque année, cette institution indépendante rattachée à Matignon et composée de 42 membres (parmi lesquels des experts du système de retraite, des parlementaires, des représentants des partenaires sociaux ou des administrations) publie un « rapport sur les évolutions et perspectives des retraites en France ».
Parmi les perspectives présentées dans cette 10e édition, celle-ci : le système de retraites sera toujours déficitaire en 2030, malgré la réforme des retraites qui vient d'être adoptée et qui aurait dû, selon les prévisions de l'exécutif, le porter à l'équilibre. Si ce solde est négatif (de 0,2 point de PIB en 2030, en prenant en compte les scénarios de croissance et de productivité retenus par le gouvernement), c'est parce qu'« entre aujourd'hui et 2030, les ressources diminuent plus que les dépenses », a résumé Pierre-Louis Bras, président du COR, en conférence de presse ce jeudi. Une baisse des ressources principalement due à des restrictions d'effectifs et de salaires chez les fonctionnaires.
Dans une note de blog, l'économiste spécialiste de la protection sociale Michaël Zemmour, (avec qui nous nous étions entretenus en février), estime que la déception, pour le gouvernement « n'est pas tant du côté du solde faiblement négatif que parce que la baisse des dépenses de retraites (0,2 point de PIB en 2030) est un peu plus faible que celle envisagée à l'origine (0,4 point de PIB estimé par exemple ici) et diminue après 2030. »
« Vous voyez bien que ses évaluations changent tous les six mois », a attaqué Bruno Le Maire dès mardi, après qu'une version quasi définitive du rapport a fuité dans la presse. Disant prendre ces prévisions « avec beaucoup de prudence », le ministre de l'Economie a ciblé sans le nommer « le président du COR » Pierre-Louis Bras, un haut fonctionnaire marqué à gauche. Celui-ci a également essuyé des critiques du ministre du Travail Olivier Dussopt, qui lui a reproché d'avoir expliqué en début d'année « qu'il n'y avait pas le feu au lac ».
Une référence à l'audition de Pierre-Louis Bras devant les députés en janvier : venu présenter le rapport du COR de l'automne 2022, il leur avait expliqué que « les dépenses de retraite ne [dérapaient] pas », mais que le solde (la différence entre les dépenses et les recettes) allait « se creuser » dès 2023. La première partie de cette démonstration, isolée en vidéo, avait été très reprise par les opposants à la réforme des retraites pour arguer de son inutilité.
Le 10e rapport du COR ne dit pas autre chose, comme a pris soin de le préciser l'institution ce jeudi dans un communiqué de presse, schémas à l'appui : « Dans les deux exercices, le COR fait état d'une dynamique contenue des dépenses de retraite rapportée à la richesse nationale [le PIB, NDLR]. Dans les deux exercices, le COR fait état d'un déficit durable du système de retraite. La situation s'améliore à l'horizon de 2030 à la suite de la prise en compte de la dernière réforme des retraites. »
Les opposants à la réforme ont eux estimé que ces prévisions étaient « l'illustration que ce n'était pas cette réforme qu'il fallait faire » (Laurent Berger, ex-secrétaire général de la CFDT) ; voire qu'elle avait fait « prendre un chemin inverse à celui qu'il faudrait emprunter pour conserver notre régime par répartition » (la CGT).
« La macronie veut liquider le Conseil d'orientation des retraites », a accusé dans un communiqué le député de la France insoumise Hadrien Clouet.
En conférence de presse, Pierre-Louis Bras a défendu le « sérieux » du travail des membres du COR. « Nous n'avons pas changé de discours et d'analyse », a-t-il assuré, ajoutant : « Je suis prêt à échanger avec ceux qui le veulent. Ce qui me gêne, c'est le caractère complotiste de la contestation du travail que nous faisons, qui est évidemment soumis à la discussion. »
> Notre dossier sur la réforme des retraites