S'allier ou non avec Les Républicains (LR) : le débat agite la Macronie depuis le début du second quinquennat. Avec comme principal instigateur Emmanuel Macron lui-même, qui n'a de cesse de tenter de s'arroger le soutien de la droite, pour transformer sa majorité relative en une majorité absolue.
A l'automne 2022, déjà, le chef de l'Etat n'avait pas hésité à appeler à une « alliance » en direct sur France 2. Malgré la multiplication des fins de non-recevoir, il ne désarme pas. Alors qu'un remaniement semble se profiler, un nouvel épisode s'est joué, ce mercredi 21 juin, au siège de Renaissance.
A l'initiative du secrétaire général du mouvement, Stéphane Séjourné, compagnon de route de la première heure du président, les cadres de la majorité parlementaire étaient invités à plancher sur le sujet. Sans surprise, ils se sont dits disponibles pour « trouver une majorité de projets », selon les mots du porte-parole du parti, Loïc Signor, à la sortie du conclave. Autrement dit, pour faire alliance avec LR.
Pourquoi cette « réunion qui n'avait pas pour but de mettre quelque chose sur le papier », selon le même, et qui vient rappeler une évidence qui a échappé à peu de monde ? D'abord, pour mettre la pression sur les élus du parti Les Républicains. « 86 % de leurs électeurs veulent un accord entre la majorité et LR, poursuit Loïc Signor, reprenant les derniers sondages. La balle est dans leur camp. »
Mais, surtout, parce qu'il y a urgence après les dernières déclarations des ténors de la droite, concède le porte-parole :
« Les Républicains ont brandi une double menace de motion de censure, à la fois sur le texte immigration et également sur le budget, par la voix de Gérard Larcher, le président du Sénat, ce qui n'est pas rien. Des motions de censure qui seraient sans doute de nature à faire tomber le gouvernement. »Transparents, mis en examen, ambitieux. Qui sont les ministres menacés par un remaniement ?
Il fallait donc trouver une réponse, et rapidement. La voici, donc. A la menace, les macronistes ont choisi de répliquer. par la menace. Car ces derniers sont persuadés que les LR sont voués à disparaître s'ils ne topent pas avec eux, s'ils ne saisissent pas la main qui leur est si ostensiblement tendue. Leurs électeurs leur tourneraient le dos, et cela se vérifierait dès les élections européennes dans un an, assène un cadre de Renaissance :
« S'ils continuent, leur date de péremption sera le 9 juin 2024. Ils vont faire moins de 5 %. Est-ce qu'ils ont envie de finir avec zéro eurodéputé ? »
A droite, on a conscience de ce risque. Mais de plus en plus d'esprits sont convaincus qu'un coup de force leur permettrait de rebondir. D'où le chiffon rouge des motions de censure. D'où, aussi, les déclarations péremptoires rejetant tout accord, lors des états généraux de LR, organisés le 17 juin à Paris. « Ces rumeurs d'alliances avec la majorité, c'est de la politique-fiction », a coupé court le patron du parti, Eric Ciotti, sous le chapiteau du Cirque d'Hiver.
Les positions semblent si irréconciliables que toute forme d'alliance paraît aujourd'hui impossible. Des débauchages individuels chez Les Républicains ? « Le risque pour eux est de n'être plus personne : ni vraiment LR ni vraiment macroniste », cingle la députée de droite Annie Genevard, ancienne présidente par intérim du parti.
Un Premier ministre venant de LR avec le soutien de son parti ? « Il voudrait imposer son programme et Emmanuel Macron ne l'accepterait jamais », glisse un conseiller de l'exécutif. « Et on gagnerait quelques dizaines de députés à droite, mais on risquerait d'en perdre autant sur notre aile gauche », s'alarme un autre.
Chez Renaissance, certains croient pourtant une médiation encore possible. Un « dispositif » serait même en cours d'installation au sein de la majorité pour assurer la liaison avec Les Républicains. « On va mettre en place des modalités d'action : qui leur parle, quand, comment ? », lâche un représentant de la direction. Un petit groupe de députés Renaissance, issus des rangs de la droite, a d'ailleurs invité Nicolas Sarkozy à déjeuner le 27 juin.
Mais les parlementaires de l'aile gauche de la Macronie sont bien moins enthousiastes, et beaucoup plus circonspects. La confiance est particulièrement entamée depuis l'épisode des retraites, où toutes les concessions accordées à la droite n'ont pas suffi à obtenir le soutien plein et entier du groupe LR à l'Assemblée nationale. Sans compter les nouveaux remous créés par cette possibilité d'alliance entre les deux principaux partenaires d'Emmanuel Macron, entre un François Bayrou fermement opposé et un Edouard Philippe ouvertement favorable.
Le débat sur le projet de loi immigration devrait venir confirmer une mésentente impossible à surmonter. En avril, Elisabeth Borne assurait déjà : « Il n'existe pas de majorité pour voter un tel texte, comme j'ai pu le vérifier en m'entretenant avec les responsables des Républicains. » Et de préciser que son souhait, exprimé quelques jours plus tôt, de ne plus utiliser l'article 49.3 de la Constitution, qui permet l'adoption d'un texte sans vote, n'était pas une promesse mais simplement un « objectif ». Si elle reste en place, la Première ministre risque d'avoir besoin d'y recourir à nouveau.