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Retraites: le COR dévoile son nouveau rapport... et essuie les critiques du gouvernement

logo de BFM Business BFM Business 22.06.2023 08:23:45
La réforme des retraites doit porter l'âge légal jusqu'à 64 ans en 2030, au rythme de trois mois par an.

C'est devenu une habitude. Pas encore publié, le dernier rapport du Conseil d'orientation des retraites (COR) dont les principales conclusions ont fuité dans la presse lundi a déjà relancé les querelles d'interprétation, deux mois et demi après la promulgation de la réforme de l'exécutif.

Pour le gouvernement, le constat est clair: si le régime de retraites ne revient pas à l'équilibre à horizon 2030 comme le dit l'organisme indépendant dans ses prévisions qui seront officiellement présentées ce jeudi, c'est bien que sa réforme était nécessaire. L'opposition défend le discours inverse: la prédiction du COR d'un déficit "durable" du système, contraire aux promesses de l'exécutif, démontre que sa réforme était inutile.

Le Conseil d'orientation des retraites, lui, se garde bien de juger des bienfaits ou non d'une réforme. Créé en 2000 sous le gouvernement de Lionel Jospin, sa mission se résume à jouer le rôle de vigie du système de retraite par répartition en traçant les perspectives financières à moyen et long terme des différents régimes, sur la base de l'évolution d'indicateurs économiques, sociaux et démographiques.

Membre du réseau coordonné par France Stratégie, le COR est un service indépendant, bien que rattaché à Matignon. Présidé par Pierre-Louis Bras, il se compose de 41 membres dont des parlementaires, des partenaires sociaux, des experts du système de retraite ou des représentants des administrations. Chaque année, l'organisme remet un rapport sur les perspectives des retraites en France qui doit éclairer le gouvernement sur les éventuels ajustements à apporter pour assurer l'équilibre financier du système.

Des travaux précieux qui n'ont probablement jamais été autant commentés que ces derniers mois, réforme des retraites oblige. Avec une bataille de chiffres entre pro et anti-réforme, chacun tirant le plus souvent du rapport du COR ce qui l'arrange, en sélectionnant la prévision et l'hypothèse de croissance et de productivité qui satisfont le mieux sa démonstration. Ce qui a d'ailleurs valu quelques critiques au Conseil d'orientation des retraites, en particulier du gouvernement.

Dans son dernier rapport qui sera publié ce jeudi, le Conseil d'orientation des retraites affirme que la réforme du gouvernement qui prévoit le recul de l'âge légal de 62 à 64 ans ne permettra pas de ramener les comptes du système de retraite à l'équilibre en 2030, ce qui était pourtant l'objectif visé par l'exécutif. Prise dans son ensemble, la quarantaine de régimes existants "resterait durablement en déficit", souligne le COR.

Après deux années d'excédents, le système de retraite renouerait avec les déficits dès 2024. Jusqu'en 2030, le déficit s'établirait entre 0,2 et 0,3 point de PIB, soit entre 5 et 8 milliards d'euros par an. C'est toutefois deux fois moins que les précédentes prévisions qui tablaient sur un déficit de 0,4% de PIB, sans réforme.

Cette prévision s'appuie sur une hypothèse de croissance de la productivité de 1%, soit le scénario retenu par le gouvernement. Le COR travaille sur trois autres hypothèses mais seule la plus optimiste d'entre elles (une croissance de la productivité de 1,6%) permettrait de revenir dans le vert à la fin des années 2040. Dans les autres cas, le déficit continuerait de se creuser pour atteindre entre 0,2 et 1,6% du PIB en 2070. Conformément aux prévisions du gouvernement, les quatre scénarios retiennent l'hypothèse d'un taux de chômage à 4,5% en 2032.

La situation serait toutefois différente d'un régime à l'autre. Le régime de base des salariés du privé resterait par exemple à l'équilibre jusqu'au début des années 2030, avant de plonger "continûment dans trois scénarios sur quatre". À l'inverse, la caisse complémentaire des salariés du privé (Agirc-Arrco) se maintiendrait bien au-dessus de la ligne de flottaison "sur toute la période de projection". Les régimes des fonctionnaires seraient quant à eux déficitaires "sur toute la période et dans tous les scénarios".

Le Conseil d'orientation des retraites souligne que la situation serait plus dégradée sans la réforme, qui va ralentir le rythme des départs à la retraite, ce qui va limiter le nombre de retraités (280.000 retraités en moins en 2030 par rapport au scénario sans réforme) et donc freiner les dépenses. Dans le détail, la part des dépenses dans le PIB devrait passer de 13,7% en 2022 à 13,5 % de PIB en 2030 (13,7 % sans réforme), puis à 13% en 2070.

Le problème, c'est que les recettes devraient diminuer davantage que les dépenses. À 13,8% du PIB en 2022, elles représenteraient 12,2% en 2070. En cause notamment, les restrictions d'effectifs et de salaires chez les fonctionnaires (bien que la revalorisation du point d'indice de 1,5% en juillet ne soit pas prise en compte dans les travaux du COR). Ce qui explique pourquoi les déficits à venir proviendraient d'abord du régime des agents territoriaux et hospitaliers (CNRACL).

Côté pensions, la réforme devrait conduire à des situations là encore contrastées avec une revalorisation des pensions des plus modestes et une baisse des pensions les plus élevées. Les augmentations atteindraient par exemple 4,7% pour la pension cumulée des 25% les plus pauvres de la génération 1966 et 12% pour ceux de la génération 1984. Des hausses qui s'expliquent par le report de l'âge de départ à la retraite et par la revalorisation de la pension minimale inscrite dans la réforme. À l'inverse, les 25% les mieux lotis verraient leur niveau de pension cumulée baisser de 1 à 2%.

Ces derniers mois, le gouvernement a publiquement exprimé des réserves sur les travaux du COR. En plein débat sur la réforme des retraites, ce sont surtout les déclarations du président de l'instance en janvier dernier qui ont agacé les membres de l'exécutif:

"Les dépenses de retraites sont globalement stabilisées et même à très long terme", avait déclaré Pierre-Louis Bras lors d'une audition devant la commission des Finances de l'Assemblée nationale. "Dans l'hypothèse la plus défavorable, elles augmentent sans augmenter de manière très importante", mais elles "ne dérapent pas" avait-il ajouté, laissant penser qu'il n'y avait pas de problème de financement. De quoi donner du grain à moudre à l'opposition qui maintenait qu'il n'y avait pas d'urgence à réformer les retraites.

"Pierre-Louis Bras a une vision très personnelle des travaux du COR", avait rétorqué Elisabeth Borne. Et la Première ministre de désigner indirectement le Conseil d'orientation des retraites comme responsable de la mauvaise compréhension de sa réforme dans l'opinion, estimant qu'il y avait "beaucoup d'hypothèses dans le rapport du COR", ce qui pouvait "nuire" selon elle "à la lisibilité de ses conclusions".

L'organisme y a remédié depuis. Fin avril, il a annoncé qu'il établirait ses prévisions selon quatre scénarios, au lieu de huit. Exit donc les options reposant sur un "effort constant de l'Etat", reléguées en annexe. Car si les régimes de retraites publics font des économies à l'avenir, "il n'appartient pas au COR de décider de l'utilisation de cette marge de manoeuvre", a tranché l'instance.

En concluant dans son dernier rapport que la réforme des retraites ne permettrait pas de ramener le régime de retraite à l'équilibre à horizon 2030, le COR s'est de nouveau attiré les critiques de certains membres du gouvernement qui remettent en cause la fiabilité de ses travaux:

"J'ai entendu le président du COR dire devant les parlementaires (...) qu'il n'y avait pas de problème de financement", a déclaré Bruno Le Maire mardi sur France 2, en référence aux propos de Pierre-Louis Bras lors de son audition devant la commission des Finances de l'Assemblée nationale. "Le même président du COR revient plusieurs mois plus tard nous dire qu'il y a un énorme problème de financement des retraites. C'est bien la preuve qu'avec le président de la République et la majorité, nous avions raison", a ajouté le ministre de l'Economie.

Le locataire de Bercy a également dit prendre "avec prudence" les nouvelles prévisions du COR faisant état d'un déficit durable du système de retraite, malgré la réforme. "Vous voyez bien que ses évaluations changent tous les six mois", a-t-il lâché. Olivier Véran a lui aussi mis en doute les derniers travaux de l'organisme "qui vous dit au mois de février qu'il n'est pas nécessaire de faire une réforme parce que la situation économique ne le justifie pas, et qu'une fois que vous l'avez fait vous dit trois mois plus tard que la réforme ne suffit pas et qu'il faut faire plus". "Moi, j'ai tendance à considérer qu'on va faire comme on a dit, c'est-à-dire atteindre l'équilibre du système de retraite en 2030", a déclaré le porte-parole du gouvernement.

Pourtant, contrairement à ce que laisse croire le gouvernement, le COR n'a jamais nié les problèmes d'équilibre financier. Si l'on peut éventuellement reprocher à son président de ne pas suffisamment avoir mis l'accent sur le déficit à venir du système par répartition, il est faux de dire que le COR a fait volte-face en changeant radicalement ses prévisions en quelques mois.

Retour en arrière. En janvier, avant la réforme, Pierre-Louis Bras insistait sur la "diminution ou quasi-stabilité des dépenses de retraites" à long terme dans la plupart des hypothèses. Une prédiction contre-intuitive "au regard du vieillissement démographique attendu" mais qui s'explique par un décalage progressif de l'âge de départ à la retraite du fait des réformes déjà votées et par la moindre augmentation du niveau de vie des retraités relativement aux actifs en raison de l'indexation des pensions sur les prix, et non sur les salaires qui ont tendance à augmenter plus rapidement, indiquait déjà le COR dans son rapport en 2022.

Ce constat d'une diminution des dépenses en proportion du PIB est toujours valable et sera accentué avec la réforme. Il ne signifiait pas et ne signifie toujours pas pour autant qu'il n'y a pas de problème de financement car, comme expliqué plus haut, si les dépenses ralentissent, les recettes baissent davantage. Ce que rappelait déjà le COR en 2022 et son président Pierre-Louis Bras devant les députés il y a six mois, évoquant "des évolutions négatives sur les ressources" qui conduiront aux déficits:

"Le message du COR n'est pas aussi contradictoire qu'on le dit. Il est possible de dire à la fois que les dépenses ne vont pas déraper et qu'il y aura des déficits. La clé de cette contradiction apparente réside dans le fait que les déficits s'expliqueront en très large partie par un effet 'ressources'".

jeudi 22 juin 2023 11:23:45 Categories: BFM Business

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