Le Point

Endométriose : tout comprendre sur le nouveau test de diagnostic

logo de Le Point Le Point 21.06.2023 12:53:50 Par Coralie Hancok

« J'ai eu mes règles à l'âge de 11 ans et elles ont toujours été douloureuses : j'avais mal au ventre au point de ne pas pouvoir aller au collège ; parfois, la douleur me faisait vomir », raconte Delphine, aujourd'hui âgée de 42 ans. Atténuée par la pilule, la douleur revient lorsque la jeune femme l'arrête pour essayer d'avoir un enfant. Et elle s'intensifie après sa fausse couche, en 2009.

Les nombreux médecins qu'elle consulte alors se contentent de lui prescrire des anti-inflammatoires. En 2014, l'un d'eux lui fait quand même passer une c?lioscopie qui révélera des adhérences. Rien de plus. Et ce n'est finalement qu'en 2016 que le diagnostic tombe : endométriose. « Poser enfin un nom sur ma souffrance m'a beaucoup soulagée. Et ça l'a aussi légitimée : je n'étais plus la chochotte qui s'écoute trop, qui a la flemme d'aller travailler », se souvient Delphine.

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Les douleurs que décrit Delphine sont dues à la présence anormale d'endomètre ? la muqueuse de l'utérus ? ailleurs que dans la cavité utérine (dans les ovaires, les trompes, la vessie, les intestins?). Pendant les règles, l'endomètre se désagrège, d'où les saignements menstruels. Mais, chez les femmes souffrant d'endométriose, la muqueuse mal placée saigne aussi. Le sang ne pouvant être évacué, il crée des hématomes et une inflammation locale.

Comme Delphine, les femmes souffrant d'endométriose ? 1,5 million en France et jusqu'à 190 millions dans le monde ? subissent souvent de longues années d'errance diagnostique : entre sept et dix ans en France. Un long parcours semé de multiples examens, parfois invasifs : échographies, IRM, c?lioscopie? Dans ce contexte, l'annonce de la mise au point d'un test capable de diagnostiquer la maladie à partir d'un simple échantillon de salive suscite d'immenses espoirs.

Pour l'élaborer, l'équipe de Sofiane Bendifallah, gynécologue-obstétricien à l'hôpital Tenon à Paris, s'est basée sur les micro-ARN. « Il s'agit de petits morceaux d'ARN impliqués dans la régulation de l'expression des gènes et qui constituent des biomarqueurs de nombreux mécanismes physiologiques », explique Sofiane Bendifallah. Grâce à un algorithme d'intelligence artificielle, son équipe a pu, parmi plus de 2 600 micro-ARN retrouvés dans la salive de ses premières patientes, discriminer ceux qui sont caractéristiques de la maladie et ceux qui ne le sont pas. « Nous avons identifié 109 micro-ARN qui traduisent des voies de signalisation propres à l'endométriose », précise Sofiane Bendifallah. Les résultats de cette première étude avaient été publiés l'année dernière dans le Journal of Clinical Medicine.

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Il y a quelques jours, une deuxième étude est venue enfoncer le clou. « Afin de valider notre test, nous avons recruté une nouvelle cohorte de plus de 1 000 patientes dans 15 centres différents. Les résultats pour la totalité de ces 1 000 patientes ne sont pas encore disponibles, mais ceux obtenus pour les 200 premières démontrent que notre test est sensible et spécifique à plus de 95 %. Obtenir une performance aussi précise pour répondre à une question aussi complexe constitue une avancée spectaculaire », se félicite Sofiane Bendifallah. Samir Hamamah, chef du service de biologie de la reproduction au CHU de Montpellier, est tout aussi enthousiaste : « Ce test, qui a l'immense avantage d'être non invasif, va contribuer à améliorer le diagnostic et donc la prise en charge. »

Daniel Vaiman, responsable de l'équipe de recherche « Des gamètes à la naissance » à l'Institut Cochin, est, lui, plus mesuré : « L'approche est prometteuse mais, pour la valider définitivement, il aurait fallu mener une étude randomisée en double aveugle, ce qui n'est pas le cas ici. » Le chercheur salue néanmoins l'idée d'utiliser les micro-ARN comme outil de diagnostic. D'autant qu'au-delà du diagnostic ils pourraient aussi servir à personnaliser la prise en charge. « À l'avenir, nous pourrions identifier les femmes qui vont le mieux répondre aux traitements, celles qui sont le plus à risque de récidive? La génétique a permis de révolutionner la prise en charge des cancers. Il pourrait en être de même pour l'endométriose », avance Sofiane Bendifallah.

En attendant, le gynécologue espère convaincre « d'ici la fin de l'année » les autorités de santé françaises d'autoriser la commercialisation, voire le remboursement par la Sécurité sociale, de son test baptisé Ziwig Endotest®. Une question qui est loin d'être anodine dans la mesure où il coûte tout de même plusieurs centaines d'euros.

mercredi 21 juin 2023 15:53:50 Categories: Le Point

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