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Pourquoi STMicro est un mauvais élève de la souveraineté économique

logo de Challenges Challenges 21.06.2023 04:23:44 Grégoire Pinson
STMicroelectronics

Comme un coup de klaxon dans le concert orchestré par le gouvernement sur la réindustrialisation. La société d'intelligence économique Vélite, à l'occasion de la présentation ce 20 juin de son palmarès de la souveraineté économique, a souligné que le groupe STMicroelectronics "échappe pour beaucoup aux intérêts économiques français", selon les termes de Pierre-Marie de Berny, fondateur du cabinet de conseil.

Pour appuyer sa démonstration, il souligne que le capital du groupe, positionné sur le marché éminemment sensible de la production de puces électroniques, n'est détenu qu'à 13,75% par la France - une participation portée par Bpifrance. L'Italie est à part égale. Les différents fonds américains, BlackRock en tête, sont eux à environ 10% du tour de table.

STMicroelectronics a en outre son siège en Suisse. Et si Nicolas Dufourcq, qui dirige Bpifrance, a pris en mai la présidence du groupe aux côtés du directeur général Jean-Marc Chéry, les Français ne pèsent toutefois qu'un tiers des organes dirigeants, face aux responsables italiens, américain ou encore néerlandais du comité exécutif et du conseil d'administration. Quant aux centres de recherche et développement, deux sont certes implantés en France et autant en Italie, mais cinq sont décomptés aux Etats-Unis par le cabinet d'intelligence économique.

En outre, cerise sur le gâteau pour Vélite: "L'entreprise semble avoir abandonné le français". Le site Web de STMicroelectronics n'utilise pas la langue de Molière, alors même qu'il est traduit en chinois et en japonais. Ainsi, l'entreprise née de la fusion entre l'italien SG et le français Thomson est "dangereusement détachée" de la France, conclut Vélite.

Lire aussiSemi-conducteurs: le manque d'ingénieurs handicape-t-il STMicro ?

Si le sujet du drapeau de STMicroelectronics apparaît si sensible, c'est parce que la France et l'Europe font reposer une partie de leurs espoirs sur l'entreprise pour quadrupler d'ici à 2030 la production de puces électroniques sur le Vieux Continent et atteindre ainsi 20% du marché mondial.

Pour atteindre cet objectif, Bruno Le Maire a annoncé le 5 juin le début de la production de la nouvelle méga-usine de semi-conducteurs portée par STMicroelectronics mais aussi l'américain GlobalFoundries à Crolles, dans la région grenobloise. A terme, la nouvelle entité devrait ajouter près de 6% de nouvelles capacités à l'Union européenne. Et pour cela, la France a délié sa bourse: l'Etat apporte 2,9 milliards d'euros d'aides, soit 40% d'un investissement total qui se monte à 7,5 milliards d'euros.

Vélite a beau jeu de rappeler que le nouveau centre de production de Crolles réserve 58% de sa production à l'entreprise américaine GlobalFoundries et que, de ce fait, "2,9 milliards d'euros publics français vont abonder 58% d'actifs industriels américains", résume Pierre-Marie de Berny. Cela même si, en contrepartie de l'aide publique, le gouvernement a pris une option sur 5% maximum de la production, "afin de servir les besoins souverains, de sécurité nationale, ou des besoins spécifiques aux TPE et PME", selon le communiqué de Bercy.

Arnaud Montebourg, ancien ministre du Redressement productif, présent à la présentation de l'étude, pointe au contraire le risque de ne guère maîtriser cette production stratégique : avec ce montage privilégiant GlobalFoundries, "les puces produites sur le territoire français peuvent tomber sous les règles d'extraterritorialité américaines", selon lui. Il agite le spectre d'une mainmise des Etats-Unis sur les composants électroniques venus de Crolles si ceux-ci se retrouvaient concernés par le régime ITAR, qui permet aux Etats-Unis de bloquer la vente à l'export de tout produit entrant dans leur industrie spatial ou de l'armement.

Au final, STMicroelectronics se retrouve en 37ème position sur les 40 entreprises classées dans le palmarès Vélite de la souveraineté économique. Juste devant le spécialiste des plateformes téléphoniques Teleperformance. Et bien loin du premier de la classe Safran.

mercredi 21 juin 2023 07:23:44 Categories: Challenges

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