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Les rebelles ADF qui sévissent en Ouganda et en RDC sont financés par l'Etat islamique, selon des experts de l'ONU

logo de Le Monde Le Monde 20.06.2023 16:25:39 Le Monde
A Mpwonde, en Ouganda, lors des funérailles de victimes d'une attque attribuée aux ADF, le 18 juin 2023.

Le groupe islamiste est tenu responsable de l'attaque contre un lycée ougandais qui a fait une quarantaine de morts dans la nuit du 16 au 17 juin.

Le dernier rapport des experts de l'ONU sur la République démocratique du Congo (RDC), présenté le 13 juin au Conseil de sécurité des Nations unies, ne pouvait bien évidemment pas faire référence à l'attaque menée trois jours plus tard contre un lycée en Ouganda. Un cruel assaut attribué par Kampala aux extrémistes islamistes des Forces démocratiques alliées (ADF), qui a coûté la vie à une quarantaine de personnes nuitamment assassinées à coups de machettes et de haches, selon les témoignages de quelques survivants. C'est l'un des pires massacres commis en Ouganda par les ADF depuis des années.

Les conclusions des enquêteurs de l'ONU laissent imaginer que le martyre du lycée Lhubiriha à Mpondwe, situé à une encablure de la frontière congolaise, n'est sans doute pas le dernier. Les experts ont en effet mis au jour des réseaux de financement internationaux d'attaques terroristes en Afrique de l'Est menées au nom de l'Etat islamique (EI ou Daech, en arabe).

« Sur la base de preuves documentaires et de témoignages significatifs », le groupe d'experts a ainsi réussi à établir pour la première fois que l'EI avait fourni un soutien financier aux ADF depuis au moins 2019, par le biais d'un « système financier complexe » impliquant plusieurs pays du continent : de la Somalie jusqu'à l'Afrique du Sud, via le Kenya, l'Ouganda et in fine la RDC, où les ADF ont établi leur base.

Originellement, les rebelles sont originaires du nord de l'Ouganda, en lutte contre le pouvoir autocratique de Yoweri Museveni. En 2016, ils auraient prêté allégeance à l'EI. Les ADF ont été classées comme organisation terroriste en 2021 par les Etats-Unis, qui offrent une récompense pouvant aller jusqu'à 5 millions de dollars pour des informations sur leur chef actuel, Seka Musa Baluku. En novembre 2021, les armées ougandaise et congolaise ont lancé l'opération conjointe « Shujaa » (« bravoure », en swahili) pour réduire les bastions ADF en RDC. Peu de détails filtrent sur cette campagne militaire qui, selon certaines sources, serait parvenue à affaiblir le mouvement.

Le rapport de l'ONU montre cependant que l'organisation n'est pas isolée mais qu'elle s'intègre dans un mouvement international. Les enquêteurs sont ainsi parvenus à décortiquer certains des systèmes de financement du groupe, qui remontent donc dans la Corne de l'Afrique. Selon eux, « au centre du dispositif financier se trouve Suhayl Salim Mohammed Abdelrahman (alias Bilal Al-Sudani), un membre de Daech en Somalie placé sous le commandement de Yusuf Abulqadir Mumin », fondateur de l'EI dans ce pays.

Sous la direction d'Al-Sudani, « Abdirizak Mohamed Abdi Jimale, autre ressortissant somalien travaillant dans le département financier de Daech en Somalie, aurait transféré entre 2019 et 2020 plus de 400 000 dollars à deux agents de Daech basés à Johannesburg », peut-on lire dans le rapport. Ces deux hommes, Maisa Cissa (alias Missa Issa et Maise Isse), un ressortissant ougandais, et Sheikh Abdi Oromay, un Ethiopien, utilisaient « un système hawala [système informel de transfert de fonds] par l'intermédiaire de Heeryo Trading Enterprise, une société enregistrée en Somalie et en Afrique du Sud ».

Une partie des fonds repartait ensuite vers Nairobi, au Kenya, puis vers l'Ouganda, la Tanzanie et le Mozambique. Les experts de l'ONU affirment que « des services hawala et de transfert d'argent, tels que Mama Money et Selpal, sont devenus une porte dérobée pour Daech et d'autres réseaux criminels afin de faciliter d'énormes flux d'argent dans toute la région ».

Parallèlement à ces circuits de financement opaques, le groupe d'experts a obtenu « pour la première fois des preuves documentaires de liens organisationnels clairs entre les ADF et des agents de Daech en Afrique du Sud ». Sont identifiés Abdella Hussein Abadigga et Farhad Hoomer, deux militants placés sous sanctions par les Etats-Unis, en mars 2022, en raison de leurs liens avec Bilal Al-Sudani et Daech.

mardi 20 juin 2023 19:25:39 Categories: Le Monde

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