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Des ouvriers sans-papiers des JO 2024 assignent des géants du BTP : «La France n'est pas mieux que le Qatar»

logo de Liberation Liberation 20.06.2023 11:24:20 LIBERATION
Le chantier de l'Arena de La Chapelle, à Paris, le 22 juillet 2022.

Les mauvaises conditions de travail continuent d'entacher la préparation des Jeux olympiques 2024 de Paris. Dix travailleurs sans-papiers des chantiers des JO assignent des géants du BTP devant le conseil de prud'hommes de Bobigny (Seine-Saint-Denis), affirme Franceinfo ce mardi 20 juin 2023.

Originaires du Mali ou de république démocratique du Congo, ils vivent en France depuis plusieurs années et ont désormais été régularisés. Mais, sans-papiers alors qu'ils ouvraient sur les chantiers, ces ouvriers disent avoir travaillé sur le village olympique notamment sans contrat de travail, fiche de paie, congés payés ou encore heures supplémentaires payées. Ces travailleurs dénoncent l'«exploitation» dont ils disent avoir été victimes, se comparant à ceux des chantiers du Mondial au Qatar.

Les témoignages recueillis par Franceinfo sont éloquents, certains ouvriers disant même qu'ils ont dû acheter eux-mêmes leur matériel de protection. «Tout le monde savait que je n'avais pas de papiers. Et c'est Spie Batignolles qui commande sur le chantier, explique Moussa, l'un des dix travailleurs. Un jour, j'avais mal au genou. J'ai demandé à mon patron si je pouvais prendre un ou deux jours de repos. Il m'a dit : ''Si tu n'es pas là lundi, tu prends tes affaires''. J'ai dû continuer à travailler malgré la souffrance. La France n'est pas mieux que le Qatar.»

Même s'il n'existe pas de données certifiées sur les décès en raison du travail sur la construction des stades dans le pays du Golfe, le Guardian estimait en 2021 que 6 751 travailleurs migrants étaient morts à cause des chantiers quand Amnesty International affirmait que «selon [leurs] recherches, près de 70 % de ces décès restent inexpliqués». Des proportions sans commune mesure avec les Jeux olympiques en France.

Reste que les témoignages sur les conditions de travail recensés depuis plusieurs années sont alarmants dans un pays où le code du travail est censé protéger les employés un peu plus qu'ailleurs. Dans une enquête que publiait Libération fin 2022 sur les conditions de travail de travailleurs sans-papiers, l'un d'entre eux décrivait l'une des caractéristiques de la sortie de terre de ces JO, que l'on retrouve souvent sur les chantiers de BTP. «Les Français ne veulent pas faire ce travail. Sur le chantier, il n'y a presque que des étrangers. Des Pakistanais pour l'électricité, des Arabes pour la plomberie, des Afghans pour la maçonnerie. Les Blancs, ce sont ceux qui sont dans les bureaux.» Il y a un peu plus d'un an, un contrôle de l'inspection du travail avait déjà constaté la présence de sans-papiers sur le chantier du village olympique. Le parquet de Bobigny avait alors ouvert une enquête pour «emploi d'étrangers sans titre» et «exécution en bande organisée d'un travail dissimulé».

«Nous accueillons normalement les Jeux olympiques et paralympiques en France tous les cent ans, il vaut mieux, mes chers amis, être au rendez-vous du monde», déclamait pourtant en 2021 l'ex-Premier ministre Jean Castex, appelant de ses voux «des Jeux olympiques réussis, à la fois inspirateurs et illustrateurs des aspirations de notre société et des politiques publiques que nous conduisons pour y répondre et pour transformer notre pays».

«On nous avait promis des chantiers des JO exemplaires, rappelle à France info Richard Bloch, de la CGT. Finalement c'est pire qu'ailleurs, car il y a un impératif politique : il faut que les chantiers soient livrés en temps et en heure. Donc les sociétés mettent en ouvre tous les moyens légaux ou illégaux pour livrer dans les temps.»

Huit sociétés sous-traitantes sont assignées en justice par les dix ouvriers sans-papiers, pour lesquelles ils travaillaient, ainsi que les donneurs d'ordre Vinci, Eiffage, Spie Batignolles et GCC. L'audience est fixée à début octobre au conseil des prud'hommes de Bobigny.

Selon la CGT, qui défend ces travailleurs dans cette procédure et estime qu'une centaine d'ouvriers sont dans cette situation, les entreprises donneuses d'ordre sont responsables, car le code du travail impose aux donneurs d'ordre de contrôler ce qui se passe sur le chantier. Pour la Société de livraison des ouvrages olympiques (Solidéo), moins d'une centaine de cas ont été repérés malgré 850 contrôles. Fin 2022, Jean-Albert Guidou, de la CGT, prévenait Libération : «Le gouvernement français veut des Jeux olympiques propres, on les prend au mot.»

mardi 20 juin 2023 14:24:20 Categories: Liberation

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