Depuis que l'inflation a commencé à exploser, certaines organisations politiques, syndicales et associatives alertent sur une augmentation des prix qui seraient pas si corrélée que ça à ceux des matières premières ou des salaires. Avec des mots à peine plus feutrés, l'Autorité de la concurrence confirme une partie de ces craintes. «Il y a un risque que l'inflation dure plus longtemps que nécessaire si les entreprises en profitent pour augmenter les prix au-delà de l'augmentation de leurs coûts, a affirmé Benoît Couré, président de l'institution, ce lundi 19 juin sur France Info.
Deux jours auparavant, il précisait dans les colonnes du Parisien : «Nous avons un certain nombre d'indices très clairs et même plus que des indices, des faits, qui montrent que la persistance de l'inflation est en partie due aux profits excessifs des entreprises qui profitent de la situation actuelle pour maintenir des prix élevés. Et ça, même la Banque centrale européenne le dit.»
«En temps normal, sur une longue période, un tiers de l'inflation vient du comportement des entreprises, c'est-à-dire qu'elles augmentent leurs prix au-delà de leurs coûts. Et deux tiers viennent du comportement des salariés qui veulent des hausses de salaire. La BCE, cette année, dit que c'est le contraire qui se produit», a poursuivi Benoît Couré.
Pour Benoît Couré, «c'est tout à fait compréhensible» que les entreprises répercutent les hausses de leurs coûts sur les prix, mais «parfois, elles vont au-delà quand elles ont du pouvoir de marché». Et de citer le secteur de l'agroalimentaire, la vente des billets de train, la collecte du lait, les produits électroménagers ou encore le matériel électrique parmi les secteurs sous surveillance.
Un tableau qui rejoint celui que présentait en avril gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau : «Globalement les marges des entreprises ont diminué depuis 2021 [35,8 %, à un niveau jamais atteint depuis 1949, ndlr]. Pour autant [.] il y a un certain nombre de points d'attention que nous signalons, d'abord plus du côté des grandes entreprises que des PME, et plus dans certains secteurs, l'énergie, les transports, et certains secteurs de service ou certains secteurs industriels.» Même si, assure Benoît Couré, «en France, c'est plutôt moins vrai qu'en Allemagne qu'en Espagne et qu'ailleurs dans la zone euro».
Comment l'Autorité de la concurrence peut-elle enrayer ce phénomène ? «Nous pouvons faire plusieurs choses, liste Benoît Couré. Sanctionner les entreprises qui abusent soit parce qu'elles s'entendent sur les prix, sur les volumes, sur des éléments qualitatifs de leurs produits ou parce qu'elles abusent de leur position dominante avec des pratiques qui portent tort à leurs clients ou fournisseurs.» Et de préciser : «En moyenne, depuis une dizaine d'années, l'Autorité de la concurrence a imposé à peu près 700 millions d'euros de sanctions par an. La loi dit qu'on peut sanctionner les entreprises jusqu'à 10 % de leur chiffre d'affaires global.»
Début juin, l'Insee expliquait que les marges des entreprises ont augmenté au premier trimestre 2023, pour la deuxième fois consécutive. Le taux de marge - indicateur qui permet de connaître la rentabilité des sociétés non-financières - a même atteint 32,3 % de la valeur ajoutée entre janvier et mars, contre 31,9 % au troisième et quatrième semestre 2022. Le tout alors que les dividendes distribués par les entreprises du CAS 40 ont battu un record en 2022 et que l'inflation continuait d'augmenter, bien plus vite que les salaires.
«Si on a des entreprises en France qui sont performantes, qui sont profitables, il faut s'en féliciter. Ça veut dire qu'on a des entreprises qui sont là, qui sont bien gérées et profitables, a dit Benoît Couré. Mais on a, en droit de la concurrence, des critères de comportement et des notions de prix abusivement élevés, que l'on pourrait mobiliser si nécessaire.» Problème : dans le Parisien, le président de l'Autorité de la concurrence a regretté le manque de moyens de son institution, ce qui empêche cette dernière de mettre autant d'amendes qu'elle ne le pourrait.