Le Point

Rétrofit auto : faire du mauvais neuf avec du vieux

logo de Le Point Le Point 15.06.2023 08:53:51 Par Jacques Chevalier

Le Sénat lui-même s'y met à son tour. Alors que les zones à faibles émissions (ZFE) réglementant l'accès aux centres-ville rassemblent de plus en plus d'adversaires, les idées les plus saugrenues émergent pour tenter de faire rouler encore ce qui demain sera interdit. Et parmi ces solutions émerge, dans un rapport du Sénat dévoilé par Le Figaro, le rétrofit, qui permettrait « de remployer des véhicules encore fonctionnels plutôt que de les mettre au rebut au profit de véhicules neufs », argumente le sénateur Philippe Tabarot. Un avis qui abonde un projet gouvernemental de soutenir cette filière naissante afin de convertir 80 000 véhicules d'ici à 2028.

Digne du concours Lépine et de Géo Trouvetou, l'idée d'installer un moteur électrique et des batteries à la place d'un moteur thermique et de son réservoir se situe entre le macramé et le stage de poterie. Et surtout, au-delà du sympathique bricolage intervenu sur des véhicules qui roulaient déjà très bien avant cela, il remet en cause un dogme absolu, celui de n'accepter, au nom de la sécurité, aucune transformation technique majeure d'un véhicule homologué. Le très rigoureux service des mines et les forces de l'ordre y veillent.

Ce dogme est pourtant oublié au nom du rétrofit. Certes, la structure même et les suspensions du véhicule ne changent pas, mais elles devraient car les masses en jeu et leur répartition dans le véhicule, voire leur participation à la résistance aux chocs n'ont rien de commun. En d'autres termes, entre l'avant et l'après, les véhicules passant au rétrofit n'ont aucune obligation de crash tests, dont le résultat, même s'il était pratiqué avant transformation, traduirait fatalement le vieillissement des structures.

Dès lors, comment imaginer prolonger la vie de véhicules affublés des vignettes 4, 5 ou 6, vieux de 10, 15, 20 ans, voire plus encore, avec ce stratagème ? Leur valeur résiduelle est souvent proche de zéro et le rétrofit propose d'investir pas moins de 15 000 euros pour le transformer en un véhicule supposé propre. Cela reste d'ailleurs à démontrer car les packs de batteries, qui représentent 40 % du coût de la modification et qui doivent trouver une place dans une voiture non conçue pour cela, viennent tous de Chine. Même si le gouvernement table sur la fourniture ultérieure par la gigafactory française tout juste inaugurée à Billy-Berclau, dans les Hauts-de-France, cela est loin d'être effectif.

Le gouvernement ne semble pas s'alarmer du tout de ces aberrations et, alors que 3 systèmes de rétrofit sont aujourd'hui homologués, il pousse les feux sur de nombreux projets pour passer à 23 systèmes d'ici à 2025. Il y a urgence puisque le calendrier, pourtant retardé, des ZFE prévoit l'interdiction dès 2025 des Crit'Air 3, c'est-à-dire de tous les véhicules diesel et des essence produits entre 2006 et 2010.

Avec les véhicules plus anciens, cela représente un parc de plus de 13 millions de véhicules interdits de séjour dans les 43 métropoles réglementées. Même s'ils pourront, il faut le souligner, continuer à rouler en dehors selon un schéma voiture des villes-voiture des campagnes. Cela pose aux populations de ces dernières un problème crucial de venue en ville, où se trouvent tous les services publics et les administrations qui ont déserté les campagnes. Il en découle une inégalité de traitement selon qu'on est citadin ou campagnard.

Plutôt que de modifier une réglementation ignorante des réalités du terrain et inapplicable, le gouvernement s'emploie à trouver des solutions alternatives afin d'aider les Français à changer de voiture. On a fait plus simple, comme aider à acheter une voiture électrifiée d'occasion, voire une thermique très récente.

L'État, dans sa fausse générosité bien connue, compte étendre les dispendieux écobonus dont bénéficient les véhicules électriques aux vieilles guimbardes « rétrofitées ». Agnès Pannier-Runacher, la ministre de la Transition écologique, l'a annoncé avec la mise en place d'une aide pouvant aller jusqu'à 6 000 euros pour les particuliers et 10 000 euros pour les utilitaires, tout cela alimenté, bien sûr, par les impôts des Français, promoteurs malgré eux de la filière électrique.

jeudi 15 juin 2023 11:53:51 Categories: Le Point

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