Par Stanislas Grenapin
Lundi 15 mai 2023
C'est une Mercedes pas comme les autres, la CLS. Ni coupé, ni berline, mais « coupé 4 portes ». Une définition comme une pirouette au début des années 2000 pour qualifier une ligne novatrice, élégante et inspirante pour la concurrence. La CLS a vécu et sa troisième génération sera la dernière. Sa production s'arrêtera à la fin de l'été.
Jusqu'à la fin du siècle dernier - une éternité, la silhouette automobile était commune à tous les constructeurs et lisible par tous les observateurs. La berline, la limousine, le coupé, le cabriolet, le break, le monospace, un temps, et le 4x4 pour la plupart des engins en circulation. C'est de ce dernier qu'est venu la première brèche. Quand des véhicules juchés sur de grandes roues ont fait leur apparition, sans aucune vocation à crapahuter hors des sentes asphaltées, seulement le plaisir de conduire un peu perché. Ils ont hérité d'un acronyme anglais « SUV », dont la signification obscure sonnait mieux que le très compréhensible « VUS » canadien, qui définit les mêmes objets, et signifie « véhicule utilitaire sportif ». Le vocable « utilitaire » pour qualifier une voiture des villes devait faire un peu désordre. Puis, de l'imagination débordante des bureaux de style, conjuguée à l'insatiable créativité de leurs collègues du marketing, des autos aux formes moins arrêtées sont apparues. Elles ont trouvé refuge sous le vocable de « crossover », chaque constructeur assurant le service après-vente pour en expliciter les caractéristiques.
Jusqu'à Mercedes. C'était en 2003 avec la présentation de la CLS au salon de Francfort. Un « coupé 4 portes ». Une hérésie lexicale ! À croire que les têtes chercheuses du constructeur allemand n'avaient pas de Larousse sous la main (« coupé : Caisse comportant deux grandes portes latérales et deux places principales, avec quelquefois deux petites places arrière. »). Mais un coup de génie pour lancer cette vaste berline (4,91 mètres) élégante et différente ! À défaut d'avoir un dico, ils connaissaient sans doute sur le bout des doigts l'Histoire de l'automobile, Rover ayant tenté la même audace sémantique au début des années 60, affublant de « P5 Coupé », une voiture à quatre portes.
Mais bousculer la norme a ses revers. La singularité de la CLS a moyennement séduit le marché américain, qui a continué à lui préféré la Classe E, plus conservatrice. Le luxe ne doit pas trop frayer avec l'originalité. Ailleurs, le coupé 4 portes de première génération connaît une honorable carrière, 170 000 exemplaires trouvant preneur. La CLS sera renouvelée en 2010, puis en 2018, mais le charme est rompu, le coup de crayon moins inspiré, moins aérien, et les ventes dégringolent. Les SUV « crossovérisés » de la gamme, GLE et GLE Coupé en tête, s'accaparent toute la lumière ne laissant que quelques rares miettes à la star d'hier. Mercedes a décidé d'offrir un dernier été à la CLS, avant d'arrêter définitivement les chaines de production à la fin du mois d'août.